Les virus de l’herpès pourraient faire partie des responsables de l'apparition de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs études en 2018 ont renforcé cette théorie proposée pour la première fois en 1997
La forme la plus courante de démence sénile, la maladie d'Alzheimer, pourrait être causée par certains types de virus.
Cette théorie, proposée pour la première fois dans les années 90, est étayée par un nombre croissant d’études.
Les recherche conduites en 2018 ont été résumées par la neuroscientifique Ruth Itzhaki dans un article publié le 19 octobre dans la revue Frontiers in Aging Neuroscience.
Plusieurs micro-organismes sont à l'étude, mais le suspect numéro 1 est le virus de l'herpès de type 1 (VHS1), responsable des boutons de fièvre.
L’incidence de l’infection à VHS1 dans la population est très élevée, environ 70%. Après l’infection, même lorsque les symptômes de l’herpès ont disparu, le virus reste présent dans le corps tout au long de la vie mais sous forme inactive. Dans des situations de stress ou de maladie, il peut se réactiver et causer de nouveaux symptômes.
Alors quelle est son implication dans les maladies neurodégénératives ?
Dans les années 90, on a découvert que le virus était présent dans le cerveau des personnes âgées, atteintes de la maladie d'Alzheimer et en bonne santé.
S'est développée alors une théorie selon laquelle VHS1 après avoir infecté l'organisme, migre dans le cerveau.
Pour le moment les chercheurs ne savent pas à quel moment de la vie cette migration a lieu.
Et lors d'une réactivation, il pourrait causer des dommages aux neurones.
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L'herpès de type 1 est associé à l'accumulation de la protéine beta-amyloïde
Une étude publiée le 11 juillet dans la revue Neuron suggère que, lorsque le virus se réactive dans le cerveau, les neurones, pour contrecarrer l'attaque, produisent de la protéine beta-amyloïde, qui aurait un rôle anti-inflammatoire. L’accumulation de cette protéine est l’une des caractéristiques principales de la maladie d’Alzheimer.
La bêta-amyloïde a alors tendance à s’agréger, à faire des amas dans le cerveau. La protéine pourrait donc être produite en réponse à une infection virale.
Et en effet, chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, la protéine s'accumule dans les cellules infectées par le virus.
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Soupçons autour des virus de l'herpès de type 6 et 7
D'autres virus sont accusés de contribuer à l'apparition de la maladie d'Alzheimer, comme les virus de l'herpès 6 et 7, responsables de différentes formes de rubéole.
Une étude publié en juin 2018 met en évidence une association entre ces deux micro-organismes et la maladie d'Alzheimer.
Les chercheurs ont comparé les cerveaux de 622 patients atteints de démence sénile et de 622 personnes en bonne santé.
Résultat : dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, la quantité de virus est plus importante que chez les sujets en bonne santé.
Chez les patients malades la présence du virus dans les cellules est associée à des plaques bêta-amyloïdes plus grandes et plus denses.
Confirmation par des études épidémiologiques taïwanaises
À ces recherches s’ajoutent trois études récentes menées dans la population taïwanaise.
La plus significative prend en compte 8362 patients âgés de 50 ans ou plus chez qui a été diagnostiqué le virus de l'herpès 1 ou 2 (responsable de l'herpès génital) en 2000.
Les chercheurs ont ensuite observé l'apparition de la maladie d'Alzheimer chez ces sujets entre 2001 et 2010 et comparé les données obtenues avec celles d'un groupe de personnes n'ayant jamais été infectées par le virus.
Chez les sujets infectés, l'apparition de la maladie était deux fois et demie plus importante que chez le groupe de contrôle.
Prévenir la maladie d'Alzheimer grâce à des médicaments ?
Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles approches pour prévenir la maladie. Les études taïwanaises ont montré que, si l'infection virale est traitée avec des antipyrétiques ou des antiherpès, le risque de développer la maladie d'Alzheimer au cours des années suivantes est considérablement réduit.
Les patients atteints d'herpès zoster (une forme d'herpès oculaire) traités avec des médicaments ont un risque de développer la maladie deux fois moins important, et ceux infectés par le VHS et traités avec des médicaments ont une incidence dix fois moins élevée que ceux non traités.
Voici tout l'intérêt de continuer à explorer cette piste. "Ces résultats représentent une nouvelle étape très importante dans la compréhension et le traitement de ces cas d’Alzheimer probablement dus à une infection virale", conclut Ruth Itzhaki.
Camilla de Fazio
Article à retrouver sur Allo-Docteur.fr