Elle se nomme êta-amyloïde, et a su se faire oublier des neuroscientifiques trente années durant.
Cette molécule, synthétisée par le cerveau, perturbe le fonctionnement de nos neurones, et pourrait jouer un rôle important dans la maladie d'Alzheimer.
La découverte est loin d’être anodine, puisque certaines stratégies thérapeutiques destinées à diminuer les lésions caractéristiques de la maladie peuvent augmenter la production d'êta-amyloïde…
La maladie d'Alzheimer se caractérise par la coexistence de deux types de lésions.
Les premières, on le sait depuis plus de trente ans, sont la conséquence de la production excessive et la mauvaise dégradation, par le cerveau, d'une protéine du nom de bêta-amyloïde, qui s'agrège sous forme de plaques.
Les secondes consistent en une rigidification des neurones (on parle de dégénérescence neuro-fibrilaire), conséquence d’une expression anormale de la protéine Tau.
La protéine bêta-amyloïde dérive du découpage d’une molécule plus grande, l’APP (amyloid precursor protein), sous l’action de certains enzymes.
Les neuroscientifiques croyaient tout connaître de cette APP, et de ses fragmentations possibles.
Pourtant, une équipe franco-allemande vient de découvrir que l'APP pouvait générer un type de molécule inédit, l’êta-amyloïde, qui semble lui-aussi avoir un effet délétère sur le cerveau.
"Bien qu'il soit produit en plus grande quantité que l'amyloïde-β, l'amyloïde-η avait échappé à toute détection ces trente dernières années", explique le CNRS dans un communiqué.
"Les neuroscientifiques avaient concentré leur attention sur l'amyloïde-β, son mode de production et d'accumulation, sa toxicité pour les neurones et les moyens de l'inhiber pour traiter la maladie d'Alzheimer".
Les auteurs de la découverte, qui publient leurs travaux dans la revue Nature, ont identifié l’êta-amyloïde dans le cerveau de souris de laboratoire et dans celui de patients.
Des expériences in vivo, également décrites dans l’article, ont révélé que l’êta-amyloïde entrave un processus clef de la mémorisation (par lequel des neurones stimulés de façon rapprochée dans le temps maintiennent plus longtemps leur activité[1]).
Des conséquences immédiates sur la recherche
Au vu de sa neuro-toxicité, "ce nouveau peptide est sans doute impliqué dans le mécanisme de la maladie d'Alzheimer", avance-t-on au CNRS.
Des travaux complémentaires doivent préciser son effet précis sur les déficits cognitifs.
"Cette découverte a néanmoins des conséquences immédiates sur les essais cliniques en cours, dont la plupart visent à réduire la quantité d'amyloïde-β dans l'espoir d'enrayer la perte de mémoire", note l’institut de recherche.
"Un de ces essais cliniques, par exemple, étudie l'inhibition de la β-sécrétase [enzyme qui participe du découpage de l’APP en bêta-amyloïde, NDLR].
[Or, les nouveaux travaux montrent que si] l'inhibition de cette enzyme permet de réduire la production d'amyloïde-β, [elle entraîne une] augmentation massive d'amyloïde-η.
Il est donc très probable que cette stratégie thérapeutique soit nocive pour le cerveau, par l'action exagérée d'amyloïde-η sur les neurones".
La découverte de l’équipe franco-allemande oblige donc leurs confrères "à être très attentifs aux possibles effets secondaires non-anticipés des essais cliniques".
[1] Ce mécanisme se nomme "potentialisation à long terme".
Pour en savoir plus, nous vous invitons à explorer l’incontournable site de Bruno Dubuc, Le Cerveau à tous les niveaux.
Source : Allo-Docteur