Le coin des poètes

Je vous propose en lecture quelques poèmes, textes, et autres proses…

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Vois-tu, si tous deux nous pouvions

         

 Il lui disait : « Vois-tu, si tous deux nous pouvions, 

L'âme pleine de foi, le coeur plein de rayons, 
Ivres de douce extase et de mélancolie,
Rompre les mille noeuds dont la ville nous lie ;
Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou,
Nous fuirions ; nous irions quelque part, n'importe où,
Chercher loin des vains bruits, loin des haines jalouses,
Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses ;
Une maison petite avec des fleurs, un peu
De solitude, un peu de silence, un ciel bleu,
La chanson d'un oiseau qui sur le toit se pose,
De l'ombre ; — et quel besoin avons-nous d'autre chose ? »


Juillet 18…

Victor Hugo



Quelques mots sur l'auteur :

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Célèbre poète, dramaturge et prosateur romantique français né le 26 février 1802 à Besançon dans le Doubs, Victor Marie Hugo est décédé le 22 mai 1885 à Paris.

Lire sa biographie sur Wikipédia.

Ne vous contentez pas, madame, d’être belle



Ne vous contentez pas, madame, d'être belle.
Notre cœur vieillit mal s'il ne se renouvelle.
Il faut songer, penser, lire, avoir de l'esprit.
Être, pendant dix ans, une rose qui rit,
Cela passe... — La vie est une triste chose,
Un travail de ruine et de métamorphose
Qui fait d'une beauté sortir une laideur.
Fixez votre œil charmant, parfois un peu boudeur,
Sur les deux termes sûrs d'une vie achevée,
Sur le point de départ et le point d'arrivée,
Chemin que parcourront, hélas ! vos pas tremblants,
— Dents blanches, cheveux noirs ; — dents noires, cheveux blancs !
Moi, j'estime la femme, humble et sage personne,
Qui ne s'éblouit pas, belle, veut être bonne,
Songe à la saison dure ainsi que les fourmis,
Et qui fait pour l'hiver provision d'amis.
Vieillir, c'est remplacer par la clarté la flamme ;
Le cœur doit lentement rentrer derrière l'âme.

Victor Hugo.   

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Un peu plus sur l’auteur...Victor_Hugo



         

La grand-mère


Romance.


Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour :
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

En vous voyant, je me rappelle
Et mes plaisirs et mes succès ;
Comme vous, j'étais jeune et belle,
Et, comme vous, je le savais.
Soudain ma blonde chevelure
Me montra quelques cheveux blancs...
J'ai vu, comme dans la nature,
L'hiver succéder au printemps.

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

Naïve et sans expérience,
D'amour je crus les doux serments,
Et j'aimais avec confiance...
On croit au bonheur à quinze ans !
Une fleur, par Julien cueillie,
Était le gage de sa foi ;
Mais, avant qu'elle fût flétrie,
L'ingrat ne pensait plus à moi !

Dansez, fillettes du Village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

À vingt ans, un ami fidèle
Adoucit mon premier chagrin ;
J'étais triste, mais j'étais belle,
Il m'offrit son cœur et sa main.
Trop tôt pour nous vint la vieillesse ;
Nous nous aimions, nous étions vieux...
La mort rompit notre tendresse...
Mon ami fut le plus heureux !

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d'orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

Pour moi, n'arrêtez pas la danse ;
Le ciel est pur, je suis au port,
Aux bruyants plaisirs de l'enfance
La grand-mère sourit encor.
Que cette larme que j'efface
N'attriste pas vos jeunes cœurs :
Le soleil brille sur la glace,
L'hiver conserve quelques fleurs.

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d'amour,
Et, sous un ciel exempt d'orage,
Embellissez mon dernier jour !

Sophie d'Arbouville.            



Quelques mots sur l'auteur :

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Romancière et poétesse française née le 29 octobre 1810, Sophie d'Arbouville est décédée le 22 mars 1850.

Lire sa biographie sur Wikipédia.

Vieillir en beauté et en sagesse



« Ce n'est pas parce que je suis un vieux pommier que je donne de vieilles pommes. »

– Félix Leclerc.

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Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son cœur,
Sans remords, sans regret, sans regarder l’heure.
Aller de l’avant, arrêter d’avoir peur,
Car à chaque âge se rattache un bonheur.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec son corps
Le garder sain en dedans, beau en dehors.
Ne jamais abdiquer devant un effort.
L’âge n’a rien à voir avec la mort.

 

Vieillir en beauté, c’est donner un coup de pouce!
À ceux qui se sentent perdus dans la brousse,
Qui ne croient plus que la vie peut être douce
Et qu’il y a toujours quelqu’un à la rescousse.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir positivement.
Ne pas pleurer sur ses souvenirs d’antan.
Être fier d’avoir les cheveux blancs,
Car pour être heureux, on a encore le temps.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec amour,
Savoir donner sans rien attendre en retour,
Car où que l’on soit, à l’aube du jour,
Il y a quelqu’un à qui dire bonjour.

 

Vieillir en beauté, c’est vieillir avec espoir,
Être content de soi en se couchant le soir.
Et lorsque viendra le point de non-recevoir,
Se dire qu’au fond, ce n’est qu’un au revoir!

Ne regrette pas de vieillir.
C'est un privilège refusé à beaucoup!

Félix Leclerc


Le Français ? Une langue animale…


En hommage à notre cher Jean DOrmesson dit « Jean dO » 

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«Myope comme une Taupe», «rusé comme un Renard», «serrés comme des Sardines»…

Les termes empruntés au monde animal ne se retrouvent pas seulement dans les Fables de La Fontaine, ils sont partout.

La preuve: que vous soyez fier comme un Coq, fort comme un Boeuf, têtu comme un Âne, malin comme un Singe ou simplement un chaud Lapin, vous êtes tous, un jour ou l’autre, devenu Chèvre pour une Caille aux yeux de Biche.

Vous arrivez à votre premier rendez-vous fier comme un Paon et frais comme un Gardon et là, … pas un Chat! Vous faites le pied de Grue, vous demandant si cette Bécasse vous a réellement posé un Lapin.

Il y a Anguille sous roche et pourtant le Bouc émissaire qui vous a obtenu ce rancard, la tête de Linotte avec qui vous êtes copain comme Cochon, vous l’a certifié: cette Poule a du Chien, une vraie Panthère! C’est sûr, vous serez un Crapaud mort d’amour. Mais tout de même, elle vous traite comme un Chien.

Vous êtes prêt à gueuler comme un Putois quand finalement la fine Mouche arrive. Bon, vous vous dites que dix minutes de retard, il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un Canard. Sauf que la fameuse Souris, malgré son cou de Cygne et sa crinière de Lion est en fait aussi plate qu’une Limande, myope comme une Taupe, elle souffle comme un Phoque et rit comme une Baleine. Une vraie peau de Vache, quoi! Et vous, vous êtes fait comme un Rat.

Vous roulez des yeux de Merlan frit, vous êtes rouge comme une Ecrevisse, mais vous restez muet comme une Carpe. Elle essaie bien de vous tirer les vers du nez, mais vous sautez du Coq à l’Âne et finissez par noyer le Poisson. Vous avez le Cafard, l’envie vous prend de pleurer comme un Veau (ou de verser des larmes de Crocodile, c’est selon). Vous finissez par prendre le Taureau par les cornes et vous inventer une fièvre de Cheval qui vous permet de filer comme un Lièvre.

Ce n’est pas que vous êtes une Poule mouillée, vous ne voulez pas être le Dindon de la farce. Vous avez beau être doux comme un Agneau sous vos airs d’Ours mal léché, il ne faut pas vous prendre pour un Pigeon car vous pourriez devenir le Loup dans la bergerie.

Et puis, ça aurait servi à quoi de se regarder comme des Chiens de faïence. Après tout, revenons à nos Moutons: vous avez maintenant une faim de Loup, l’envie de dormir comme un Loir et surtout vous avez d’autres Chats à fouetter.

Texte de Jean d’Ormesson

On devrait vivre à l'envers


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Ma prochaine vie…  

On devrait vivre la vie à l’envers.
Tu commences par mourir.
Ça élimine ce traumatisme qui nous suit toute la vie.
Après, tu te réveilles dans une maison de retraite, en allant mieux de jour en jour.
Alors, on te met dehors sous prétexte de bonne santé et tu commences par toucher ta retraite.
Ensuite, pour ton premier jour de travail, on te fait cadeau d'une montre en or et tu as un beau salaire.
Tu travailles quarante ans jusqu'à ce que tu sois suffisamment jeune pour profiter de la fin de ta vie active.
Tu vas de fête en fête, tu bois, tu vis plein d'histoires d'amour !
Tu n'as pas de problèmes graves.
Tu te prépares à faire des études universitaires.
Puis, c'est le collège.
Tu t'éclates avec tes copains, sans affronter les obligations, jusqu'à devenir bébé.
Les neuf derniers mois, tu les passes flottant tranquille, avec chauffage central, room service, etc.
...Et, au final, tu quittes ce monde dans un orgasme !


Woody Allen 

Arrière-saison



La couleur verte
tremble
entre les mains
de l’automne
La mort maquille
les feuilles
pour leurs noces
avec le givre
Un silence très ancien
se loge
dans la lumière
qui se tait
et le Temps jette
les heures insouciantes
dans un feu sans mémoire


Kamal Zerdoumi

Texte de Bernard Pivot

Extrait de son livre «Les mots de ma vie» paru en avril 2011

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Vieillir, c’est chiant. 


J’aurais pu dire : vieillir, c’est désolant, c’est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible, c’est déprimant, c’est mortel.Mais j’ai préféré « chiant » parce que c’est un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste.Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé et l’on sait encore moins quand ça finira.Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance. 
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.On était bien dans sa peau.On se sentait conquérant. Invulnérable. La vie devant soi. Même à cinquante ans, c’était encore très bien. Même à soixante. Si, si, je vous assure, j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps j’ai vu le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de l’âge, qu’ils ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge. J’ai lu dans leurs yeux qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard. Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables.  

Sans m’en rendre compte, j’étais entré dans l’apartheid de l’âge. Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants. “Avec respect”, “En hommage respectueux”, “Avec mes sentiments très respectueux”. Les salauds! Ils croyaient probablement me faire plaisir en décapuchonnant leur stylo plein de respect? Les cons! Et du « cher Monsieur Pivot » long et solennel comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres qui vous fiche dix ans de plus !  

Un jour, dans le métro, c’était la première fois, une jeune  fille s’est levée pour me donner sa place. J’ai failli la gifler. Puis la priant de se rasseoir, je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué.- “Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que”…   -Moi aussitôt :"Vous pensiez que…"?   - “Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous asseoir”.

- “Parce que j’ai les cheveux blancs”? 

- “Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, çà été un réflexe, je me suis  levée”…  - “Je parais beaucoup beaucoup plus âgé que vous”?


-"Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge”…


- “Une question de quoi, alors"?


- “Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je  crois”…»
   
J’ai arrêté de la taquiner, je l’ai remerciée de son geste généreux et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.
Lutter contre le vieillissement c’est, dans la mesure du  possible, ne renoncer à rien. Ni au travail, ni aux voyages, ni aux spectacles, ni aux livres, ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.
Rêver, c’est se souvenir tant qu’à faire, des heures  exquises. C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous  attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder entre le désir et l’utopie.
La musique est un puissant excitant du rêve. La musique est une drogue douce. J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil en écoutant soit l’adagio du Concerto n° 23 en la majeur de Mozart, soit, du même, l’andante de son Concerto n° 21 en ut majeur, musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés.
Nous allons prendre notre temps. Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement. Nous ignorons à combien se monte encore notre capital. En années? En mois? En jours? Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital. Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables, il faut jouir sans modération. Après nous, le déluge? Non,  Mozart.


Un jour se croisèrent deux êtres...

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                                                              Photo: Soriah 


Un jour se croisèrent 


Un jour se croisèrent
Deux êtres qui n'attendaient rien
Et dans les yeux de l'un, l’autre se vit
Comme si c'était la première fois
Ce fut la sensation nouvelle
Et le plaisir serein
Ils ne dirent pas beaucoup de mots
Seulement décider de cheminer ensemble
Sans que leurs mains ne se touchent
Reconnaissant
Qu'à deux mondes distincts
Ils appartenaient
Mais le plaisir envahit leurs âmes
Et perturba leurs plans
Chose qui leur créa angoisse
Et joie à la fois
Sans savoir comment donner forme à cette nouvelle
 histoire

Ils décidèrent de couper du bois
Et construire une maison simple
Toujours sans dire parole
Tout cela coûta du temps
Durant lequel
Ils furent infiniment heureux
Sans dire parole
Mais arriva le jour où la maison fut prête
Et tous deux savaient
Qu'ils n'y vivraient jamais
Chacun réunit ses affaires
Ils se regardèrent tendrement
Se mélangea la crainte et la honte
L'un dit finalement
"Adieu"
Et se séparèrent pour toujours
La maison resta dans la quiétude
Mais non seule
Pour longtemps
Les animaux de la campagne

Vinrent s'approchant
De la belle demeure
Et par la porte ouverte
Un à un entrèrent lentement
En y sentant protection
Chaque animal trouva un recoin
Où créer son espace de vie
Et tous utilisèrent la maison pour toujours. 


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                                                    Photo: Anne-Sarah Le Meur


Si vous connaissez l'auteur de ce texte, merci de me le signaler. 

Affectueux

Ce 18 mai 2014, Merci à Daniel.

Ce poème est donc de… 

Armando Bergallo 

Combien courte est la vie


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Combien courte est la vie

Et le bonheur fragile!

Quand on est bien portant,

Nous ne l'apprécions pas.


Quand le malheur arrive, 

On a beau se le dire,

On a beau regretter, 

Le temps ne revient pas.


Si nos jeunes pouvaient 

Profiter d'expérience,

Prête je me tiendrais 

À donner le détail

D'une vie qui s'achève

Dans de grandes souffrances...


Qui pouvait être heureuse,

Si vécue sagement.

Compréhensifs l'un de l'autre,

Nous nous étions donnés

Lorsque nous le pouvions,

Faisant don de soi-même:


Joie, bonheur, affection... 


                                            Jerónima Escure 1926-2012


Tous les poèmes:

À l’écoute: LISTEN TO YOUR HEART ~ Mike Rowland

 GE Florence Mayer
Assistante en Gestion du Quotidien
Art-thérapeute

Création du site: 26/12/09.